« ‘Umar, tu dors ? » questionna-t-il en murmurant.
Non ! Répondis-je.
La journée avait été longue et harassante, il était tard déjà, je m’apprêtais à dormir, conscient que la journée à venir serait non moins fatigante. 20 à 30 minutes passèrent dans le silence …
‘Umar du dors ?
Non ! Répondis-je une seconde fois.
Il resta silencieux encore. Je ne comprenais pas bien son insistance mais je restai silencieux également. Une demi-heure passa encore.
‘Umar, tu dors ?
Cette fois, je ne répondis rien. Je fis semblant de dormir pour ne pas l’importuner. N’entendant pas de réponse, il crut que je dormais enfin. Il se leva sans faire de bruit et, au cœur de l’obscurité, seul, à côté de son compagnon de route qu’il croyait assoupi, il se mit à accomplir la prière de la nuit. Pour Dieu, seul, à l’abri de mon regard, de tous les regards …
C’est ‘Umar al-Tlimsani, élève et compagnon de route de Hassan al-Banna pendant de nombreuses années, qui nous a transmis les termes de cette histoire. L’attitude de son maître l’avait ému jusqu’aux larmes : elle résumait, à elle seule, la personnalité de Hassan al-Banna. Foi lumineuse, spiritualité profonde, exigence personnelle, délicatesse et douceur à l’endroit des êtres humains … ‘Umar al-Tlimsani l’a écrit, dit et tant de fois raconté, comme je l’ai entendu de la bouche de mon père, Saïd Ramadan, son gendre, et de ma mère, Wafa al-Banna, sa fille aînée : le secret l’imam Hassan al-Banna, c’était la qualité de sa foi, l’intensité de sa relation avec Dieu. Tous ceux qui l’ont côtoyé de près l’ont perçu et senti : il vivait, à l’instar des premiers Sahaba, sur les traces du Prophète, que la Paix et la Bénédiction soient sur lui.
Tariq Ramadan, préface de « Al’Ma’thourat », Ed Tawhid 2004