Si la fête de l’Aïd coïncide avec le vendredi :
Après avoir accompli la prière de l’Aïd doit-on obligatoirement accomplir celle du vendredi ? Il existe à ce sujet quatre avis :
– Obligation d’accomplir la Prière du vendredi pour les habitants de la ville et de ses environs. Ceci est l’avis des hanafites et des malikites conformément à la portée générale du verset coranique : « Ô vous qui avez cru ! Quand on appelle à la Salat du vendredi, allez à l’invocation de Dieu et laissez toute transaction» (62 : 9) et aux hadiths à portée générale stipulant le caractère obligatoire de la Prière du vendredi et mettant en garde contre son délaissement. On interrogea l’imam Malik à ce sujet, il dit : « On ne m’a pas informé que quelqu’un a dispensé les gens habitants aux environs de Médine à l’exception de ‘Othman. Ibn al-Qasim dit : « Malik ne partage pas ce qu’a fait ‘Othman. Il estimait que quiconque est concerné par l’obligation de la Prière du vendredi, l’imam ne saurait l’en dispenser »[1].
– Il est permis de se contenter de la Prière de l’Aïd, sauf pour l’imam, avec l’obligation d’accomplir la Prière du « Dhohr » (s’il n’accomplit pas la prière du vendredi). Ceci est l’avis des hanbalites conformément au hadith rapporté par Abou Daoud d’après Abou Hourayra, que Dieu l’agrée : « Deux fêtes ont coïncidé ce jour. Pour celui qui le souhaite, cette prière (de l’Aïd) le dispense de celle du vendredi. Quant à nous, nous allons célébrer la Prière du vendredi»[2] .
– L’obligation d’accomplir la Prière du vendredi pour les habitants de la ville contrairement aux gens habitant à l’extérieur de la ville. Ceci est l’avis des shafi’ites et un avis chez les malikites. Abou ‘Oubeyd dit : « J’ai assisté à la prière de l’Aïd avec ‘Othman ibn ‘Affan, c’était un jour de vendredi. Il pria avant le sermon, puis prononça le sermon et dit : « Ô gens ! Pendant ce jour, deux fêtes se sont réunies pour vous. Quiconque parmi les habitants des environs de Médine « al-awali »[3]souhaite attendre la Prière du vendredi qu’il attende, et quiconque souhaite rentrer chez lui qu’il rentre » (rapporté par al-Boukhari et Malik).
– En accomplissant la Prière de l’Aïd, la Prière du vendredi ainsi que celle du « dhohr » ne sont plus obligatoires. Ceci est l’avis de ‘Ata ibn Rabah. En effet ‘Ata dit : « Le jour du vendredi et celui de l’Aïd ont coïncidé du temps de ‘Abdoullah ibn az-Zoubeïr. Ce dernier dit alors « Deux fêtes se sont réunies ». Il les fusionna en priant deux rak’a le matin. Puis, il ne rajouta aucune prière jusqu’à celle du ‘Asr » (rapporté par Abou Daoud selon une chaîne authentique selon les normes de Mouslim). Mais la majorité des savants n’accordent pas crédit à cet avis car il contredit les fondements, à savoir, l’observation de la Prière obligatoire du dhohr.
Le musulman a donc le choix entre les trois premiers avis. Mais dans tous les cas, la Prière du vendredi doit être obligatoirement célébrée dans les mosquées. Les imams ne pourraient délaisser l’accomplissement de la Prière du vendredi sous prétexte d’avoir accompli la Prière de l’Aïd.
Ibn Taymiya accorde la prévalence au deuxième avis. Il dit dans majmou’ al-fatawa (24/ 210 – 211) : « Les savants ont trois avis à ce sujet[4] :
Le premier : La Prière du vendredi est obligatoire pour quiconque a assisté à la prière de l’Aïd de même que toutes les prières du vendredi sont obligatoires et ce, conformément aux textes à portée générale stipulant le caractère obligatoire de la Prière du vendredi.
Le deuxième : Les gens habitants à l’extérieur de la ville sont dispensés de la Prière du vendredi car ‘Othman ibn ‘Affan leur a permis, lorsqu’il les dirigea lors de la prière de l’Aïd, de ne pas accomplir la Prière du vendredi.
Le troisième qui est l’avis probant : Celui qui a accompli la prière de l’Aïd n’a plus à accomplir celle du vendredi, mais l’imam se doit de la célébrer pour permettre à ceux qui le souhaitent ainsi qu’à ceux qui n’ont pas accompli la prière du vendredi d’y assister. C’est ce qui a été relaté d’après le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui et ses compagnons à l’instar de ‘Omar, ‘Othman, Ibn Mas’oud, Ibn ‘Abbas, Ibn az-Zoubeïr et d’autres. D’ailleurs, on ne connaît pas, parmi eux, de divergence à ce sujet. Quant aux auteurs des deux premiers avis, la tradition prophétique relatée concernant la réunion des deux fêtes, à savoir qu’il a accompli la prière de l’Aïd et dispensé les gens de celle du vendredi en disant dans une version de cette tradition : « Vous avez tiré un bien et une récompense de cette prière (de l’Aïd). Aussi, quiconque souhaite assister à la Prière du vendredi qu’il le fasse car nous allons la célébrer », ne leur est pas parvenu[5].
En plus, celui qui a assisté à la Prière de l’Aïd aura réalisé l’objectif de la Prière du vendredi, à savoir, la réunion des musulmans, puis il devra accomplir la Prière du « dhohr » s’il n’assiste à la Prière du vendredi. Ainsi, le Prière du vendredi sera accomplie dans le respect de son temps légal et la prière de l’Aïd aura réalisé la finalité de la Prière du vendredi. L’imposer alors aux gens est pour eux une gêne et cela altère l’esprit de leur fête sensée leur procurer la joie et la détente. S’ils renonçaient à ceci (à cette dispense), la finalité de l’Aïd sera anéantie. D’autant plus que le jour du vendredi est une fête, de même que le jour de l’Aïd est une fête, or, lorsque deux actes d’adoration de même nature se réunissent, il est de l’habitude de la législation de les fusionner, à l’instar de la fusion des ablutions avec les grandes ablutions ou la fusion de l’un des deux « ghosl » dans l’autre. »
Moncef Zenati
[1] – al-moudawwana 1/153
[2] – l’authenticité de ce hadith est critiquable comme l’affirme Ibn ‘Abd Al-Barr, Ibn Hajr et d’autres. Certains l’ont authentifié
[3] – « al-awali » correspond à l’ensemble des villages se trouvant à 7388 m (4 miles), à 5541m (3 miles) ou à 3694m (deux miles) de Médine. (leur extrémité est à 7 miles selon l’imam Malik)
[4] – Il exclue ainsi le quatrième (l’avis de ‘Ata)
[5] – En réalité, rien ne peut affirmer qu’ils n’ont pas pris connaissance de ce genre de texte. Il s’agit plutôt d’une divergence relavant des fondements du droit musulman, à savoir, un hadith singulier peut-il restreindre la portée générale d’un verset ? En effet, Pour les malikites, un hadith singulier ne peut restreindre la portée générale d’un verset « takhsis » que s’il est appuyé par un autre argument tel que l’habitude des gens de Médine. Pour les hanafites, un hadith singulier ne peut restreindre la portée générale d’un verset d’une manière générale. Or, les hadiths dispensant de la Prière du vendredi le jour de l’Aïd sont des hadiths singuliers, ils ne peuvent donc restreindre la portée générale du verset de la sourate du vendredi qui fait de la Prière du vendredi une obligation sans aucune exception. Quant aux shafi’ites et aux hanbalites, ils estiment qu’un hadith singulier est en mesure de restreinte la portée générale d’un verset coranique. C’est pour cette raison qu’ils appliquent les hadiths précités.