Spiritualité

La guérison des âmes et la réforme des mauvaises mœurs

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Sur la guérison des âmes et la réforme des mauvaises mœurs

 

Le plaisir du discernement pour l’intelligent, le plaisir du savoir pour le savant, le plaisir de la sagesse pour le sage, et celui de la dévotion pour le dévoué à Allah – exalté soit-Il – est plus grand que le plaisir de la nourriture pour celui qui la mange, du plaisir de la boisson pour celui qui la boit, du plaisir de l’accouplement, du plaisir du gain pour un gagnant, du plaisir du jeu pour un joueur et de celui de l’ordre pour le donneur d’ordres.

La preuve en est : le sage, l’intelligent, le savant et le dévoué trouvent et éprouvent ces plaisirs nommés comme le fait celui qui s’y dépense et s’y active alors qu’ils y ont renoncé et préféré la quête des vertus. Seul celui qui a connu les deux peut en juger et non celui qui a connu l’un sans connaître l’autre.

Si tu cherches toutes choses, tu perdras toutes choses car au bout de ta pensée, tu verras disparaître l’importance de la préparation pour la vie future uniquement. Car tout espoir que tu as, est voué au chagrin, soit par sa dissipation ou par ton abandon, la seule voie qu’il y a, autre que ces deux chemins, est celle du dévouement à Allah – exalté soit-Il – car cela conduit toujours au contentement dans la vie présente et dans le futur. Dans le présent : avoir peu d’intérêt pour ce qui intéresse (1) les gens. Grâce à cela, tu es respecté de ton ami comme de ton ennemi. Dans le futur : le Paradis.

Je me suis demandé s’il existait une chose que tous les gens désirent et recherchent d’une même façon, je n’en ai trouvé qu’une seule : celle de chasser les peines. Et quand je l’ai examinée j’ai su que les gens non seulement la désirent et la recherchent de la même manière, mais que tous, malgré la différence de leurs désirs et leurs souhaits, de leurs volontés et leurs déterminations, ils n’agissent que dans le but de chasser les peines. Ils ne prononcent rien d’autres, uniquement les souffrances dont ils souhaitent se débarrasser. Il y en a de ceux qui se trompent de voie, ceux qui commettent des erreurs et ceux qui suivent la bonne voie ; ceux-ci sont les moins nombreux.

Chasser les peines est un principe que toutes les communautés ont convenu depuis le jour où Allah – exalté soit-Il – a crée le monde et ce jusqu’à la fin du monde du commencement qui sera suivi par le monde où l’on rendra des comptes. Ce dernier devant être l’unique but de leurs efforts.

Il existe des gens qui ne le souhaitent pas dans la mesure où il y a des gens qui n’ont pas de religion, ils ne se préparent donc pas à la vie future. Il y a des gens du mal qui ne veulent ni bien, ni sécurité, ni justice, et d’autres qui préfèrent l’engourdissement de l’esprit à la célébrité.

Il existe des gens qui ne veulent pas la richesse et qui préfère ne pas en avoir comme plusieurs prophètes, que la paix d’Allah soit sur eux, et ceux qui les ont suivi parmi les ascètes et les philosophes.

Il y a également des gens de nature à mépriser les plaisirs et qui n’ont pas de respect pour ceux qui les recherchent, comme ceux que l’on a mentionnés qui préfèrent perdre l’argent que d’en gagner et il y a des gens qui préfèrent l’ignorance au savoir et cela est l’apanage de beaucoup d’entre les hommes.

Ce sont là, les seuls objets de désir des gens, et il n’existe pas dans ce monde – depuis sa création jusqu’à la fin – quelqu’un qui désire les peines et qui ne veuille s’en débarrasser.

Quand j’ai bien acquis cette excellente connaissance, que j’ai découvert ce secret extraordinaire. Quand Allah m’a illuminé la pensée par ce grand trésor, j’ai cherché un moyen de parvenir à la vérité sur la façon de se débarrasser des peines, précieux objet de désir de tout le genre humain ; de l’ignorant comme du savant, du bon comme du mauvais, auquel tous prétendent, je n’ai guère trouvé de moyen autre que de s’adresser à Allah – exalté soit-Il – et de se préparer pour la vie future.

Certes, ceux qui sont à la recherche de l’argent le font dans le but de se débarrasser de la pauvreté, ceux qui sont en quête de célébrité le font afin d’éviter l’arrogance des autres, ceux en quête de plaisir le font afin d’éviter la peine de ne pas les avoir, ceux en quête de savoir le font afin de se débarrasser de la peine et de l’ignorance, et ceux qui sont à la recherche de nouvelles et de discussions le font afin de chasser la peine de la solitude et de la méconnaissance des nouvelles des gens.

Les gens mangent, boivent, se marient, s’habillent, jouent, se reposent, montent (une monture), marchent, et se disent adieu pour ne pas éprouver de manque à ce sujet et chasser toutes leurs peines.

Tout ce qu’on a évoqué – pour ceux qui méditent – sont des peines qui arrivent, s’illustrant aux travers de divers symptômes, elles se compliquent ou disparaissent ou persistent quand il s’agit de certains fléaux, s’avèrent impossible à faire disparaître pour certains fléaux, en découlent aussi de bien mauvaises conséquences telles que la peur d’un concurrent, la trahison d’un envieux, le détournement d’un désireux, ou bien la charge de blâmes ou de péchés.

J’ai trouvé que la préparation pour la vie future est parfaite, infaillible. Elle conduit à se débarrasser véritablement des peines. J’ai notamment découvert que celui qui travaille pour préparer la vie future, s’il passe par une épreuve sur sa voie, ne s’en préoccupe pas mais s’en réjouit, car son espérance de la rétribution dans sa quête est dans la réalisation de sa fin.

S’il rencontre une entrave sur son chemin, il ne s’en soucie pas et il n’est pas à blâmer pour cela. Cela n’influence pas sa quête. J’ai observé la réjouissance lors d’un malheur et même s’il se fatigue dans sa quête, il reste dans une joie continue, contrairement aux autres.

Sache donc que l’ultime désir est de chasser les peines et que le seul chemin pour y parvenir est d’agir pour l’agrément d’Allah – exalté soit-Il – car tout autre chose n’est qu’égarement et absurdité.

Ne fais d’efforts que pour ce qui dépasse ce but pour satisfaire Allah – exalté soit-Il – par l’appel à Lui, par la protection des choses sacrées, par la lutte contre l’humiliation que ton Créateur – exalté soit-Il – ne t’as pas imposée et en faisant triompher les victimes d’injustice.

Celui qui se prépare pour la vie future échange sa vie comme le fait celui qui vend des rubis contre des cailloux, celui qui n’a pas de religion n’a pas de grandeur d’âme et le sage n’accepte pas de prix pour son âme autre que le Paradis.

Le diable tend le piège de l’hypocrisie car on peut s’abstenir de faire du bien par peur d’être considéré comme un hypocrite.

Une porte magnifique parmi les portes de la sagesse et de la quiétude est celle qui consiste à arrêter d’accorder de l’attention aux paroles des gens et à prêter attention aux paroles d’Allah – exalté soit-Il – c’est même la meilleure porte de la sagesse et de la quiétude, certes celui qui croit pouvoir échapper aux critiques des gens est dément. Celui qui médite et s’efforce d’admettre les vérités causant à priori un choix, est plus content des critiques des gens que de leurs éloges. Car ces dernières, si elles sont méritées et qu’il en prend connaissance, il en devient orgueilleux, ce qui corrompt ses vertus. Si elles ne le sont pas et qu’il en prend connaissance avec satisfaction, il se félicite donc d’un mensonge, ce qui est un grand défaut.

Quant aux critiques des gens : si elles sont justifiées et qu’il en prend connaissance, ceci est probablement un moyen d’éviter ce qu’on lui reproche, ce qui est une grande chance que seule une personne non sage peut refuser. Et si elles ne le sont pas et qu’il en prend connaissance : qu’il fasse preuve d’endurance, il en acquerra le bienfait de la patience et de la magnanimité ; il est malgré cela gagnant car il est rétribué pour les critiques injustifiées qu’il a subies dans l’au-delà au moment où l’on rendra des comptes, quand il aura le plus grand besoin de salut et ce, grâce à des actes qui ne lui ont pas coûté ni demandé d’efforts. Ceci est une grande chance à laquelle seul un non sage peut renoncer.

Toutefois, s’il ne prend pas connaissance des éloges des gens, alors leurs paroles ou leur silence n’aura pas de conséquence pour lui. Cela n’est pas le cas des critiques car il en est rétribué dans tous les cas, même s’il n’en prend pas connaissance.

Et si le Prophète, que les bénédictions d’Allah et la paix soient sur lui, n’avait pas dit au sujet des bonnes éloges : « Cela est une prompte et bonne annonce au croyant » (2), il aurait été raisonnable de souhaiter les critiques injustifiées plus que les méritées, mais ce propos du Prophète, que les bénédictions d’Allah et la paix soient sur lui, montre que la bonne annonce vient suite à ce qui est juste et non à ce qui est faux, car la bonne annonce est due aux qualités de celui qui reçoit les éloges et non à l’éloge proprement dite.

La différence entre les vertus et les vices, les actes d’obéissance et les péchés n’est autres que la répulsion ou l’attrait pour l’un ou l’autre. Chanceux est celui enclin aux vertus et aux actes d’obéissance à Allah – exalté soit-Il –. N’oublions pas que cette répulsion ou cet attrait vient de la volonté et de la protection d’Allah – exalté soit-Il –.

Celui qui cherche à être gagnant dans l’au-delà prend exemple sur les anges. Et celui qui recherche le mal prend exemple sur les diables. Celui qui est en quête de célébrité et de pouvoir ressemble aux fauves. Celui en quête des plaisirs ressemble aux bêtes. Celui qui recherche l’argent pour le plaisir de sa possession et non pour le dépenser suivant les obligations (la Zakât) et les bonnes œuvres (aumônes) n’est même pas comparable à une bête. Celui-ci ressemble aux ruisseaux se trouvant dans les grottes non accessibles dont aucun animal ne profite.

Le sage ne se satisfait pas d’une qualité dans laquelle le surpasse un fauve, une bête ou un objet, mais il se satisfait de la grande vertu dont Allah – exalté soit-Il – l’a pourvu et par laquelle Il l’a différencié des fauves, des bêtes et des objets : le discernement qu’il partage avec les anges.

Celui qui se félicite de son courage qu’il n’utilise pas pour obtenir l’agrément d’Allah – exalté soit-Il – qu’il sache que le tigre a plus de courage qu’il n’en a et que le lion et le loup sont plus audacieux que lui. Celui qui se réjouit de sa force physique doit savoir que la mule, le taureau et l’éléphant sont plus forts que lui. Celui qui se réjouit de son aptitude à porter du poids lourd doit savoir que l’âne a plus d’endurance. Celui qui se félicite de sa vitesse en course doit savoir que le chien et le lièvre en course sont plus rapides que lui. Et celui qui s’extasie de sa belle voix doit savoir que beaucoup d’oiseaux ont une meilleure voix et que les sons des flûtes sont plus mélodieux et plus agréables.

Quelle fierté et quelle joie trouvent-ils donc, si les bêtes les surpassent. Toutefois celui qui a du discernement, de la connaissance et qui a accompli les bons actes doit s’en réjouir car dans ce cas, il n’y a que les anges et des gens vertueux qui le surpassent.

La parole d’Allah – exalté soit-Il – qui dit :

« Et pour celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, le Paradis sera alors son refuge » (Sourate an Nâzi’at, les anges qui arrachent les âmes, verset 41)

Ceci rassemble toutes les vertus, car le fait que l’Homme défende à son âme de suivre les passions, consiste à brimer ses tempéraments de colère et de désir car les deux sont soumis à ses passions. Alors il ne reste plus qu’à faire usage de l’âme qui nous différencie des bêtes, des insectes et des fauves, pour faire preuve de discernement.

Le propos du Prophète, que les bénédictions d’Allah et la paix soient sur lui, a recommandé : « Ne te mets pas en colère » (al Bukhari, 10/519), ce hadith a été apporté comme suit : un homme a dit au Prophète, que les bénédictions et la paix d’Allah soient sur lui : « Conseille-moi ». Il répondit : « Ne te mets pas en colère ». Il répéta plusieurs fois : « Ne te mets pas en colère », et sa recommandation est que l’on aime aux autres ce que l’on aimerait pour soi-même (al Bukhari, 1/56) rapporté comme suit : « Vous ne seriez pas croyants tant que vous ne souhaitez pas aux autres ce que vous vous souhaitez à vous-mêmes ».

Ces hadiths réunissent toutes les vertus, car son interdiction de se mettre en colère défend à l’âme coléreuse de suivre ses passions. Et dans sa recommandation de souhaiter aux autres ce que l’on souhaite pour soi-même, une interdiction à l’âme de suivre ses désirs et une exhortation à l’équité, ce qui prouve le bienfait du discernement de l’âme consciente.

J’ai vu la plupart des gens – sauf ceux qu’Allah – exalté soit-Il – a préservé des péchés et qui sont peu nombreux – se hâter de se causer de la peine, de se fatiguer ici-bas et de supporter le grand fardeau des péchés les conduisant en enfer dans l’au-delà, à cause de choses dont ils ne peuvent tirer aucun bénéfice telles que les mauvaises intentions qu’ont ceux qui souhaitent la ruine des gens, des faibles et des innocents, et le plus grand malheur à ceux qui les détestent.

Ceux-là savent pertinemment que ces mauvaises intentions ne réalisent point leurs souhaits. Et que s’ils en avaient eu de meilleures et de plus pures, ils auraient eu plus de repos pouvant ainsi se consacrer à leurs affaires et leurs intérêts. Ils auraient alors été grandement rétribués dans la vie future sans que cela puisse retarder ou empêcher ce qu’ils souhaitent.

Quelle mésestimation est plus grande que cet état qu’on a déconseillé ? Et quelle chance est plus grande que celui auquel on a appelé ?

Si tu médites la vie, tu réaliseras qu’il s’agit seulement du présent, qui est la cloison entre les deux temps, mais ce qui est passé et ce qui n’est pas encore arrivé sont inexistants comme ce qui n’est pas. Il n’y a pas plus égaré que celui qui échange ce qui est éternel contre ce qui ne dure que le temps d’un clin d’œil.

Quand on s’endort, on sort du monde et on oublie toutes les joies et les peines, si l’Homme s’habitue donc à cela à son éveil également, il serait complètement heureux. Celui qui cause du mal à ses proches et ses voisins est le moins bon parmi eux. Celui qui punit ceux qui lui causent du mal leur ressemble. Et celui qui ne les châtie pas pour le tort qu’ils lui ont causé est le meilleur et le plus généreux parmi eux.

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(1) Ce qui intéresse les gens : c’est à dire ce qui les tracasse et les préoccupe, le croyant pour sa part sait que ce qui lui arrive n’aurait pas pu le rater et que ce qui l’a raté n’aurait pas pu lui arriver, c’est ce qu’Allah – exalté soit-Il – dit :

« Nul malheur n’atteint la terre ni vos personnes, qui ne soit enregistré dans un Livre avant que Nous ne l’ayons créé ; et cela est certes facile à Allah, afin que vous ne vous tourmentiez pas au sujet de ce qui vous a échappé, ni n’exultiez pour ce qu’Il vous a donné. Et Allah n’aime point tout présomptueux plein de gloriole»
(Sourate al Hadîd, le Fer, versets 22 et 23)

(2) Rapporté par Muslim, 4/2034, et relaté par lui comme suit : « On a dit au Messager d’Allah, que les bénédictions et la paix soient sur lui : « Vois-tu l’homme qui fait le bien et que les gens le louent pour ce bien ? Il répondit : « Cela est la prompte et bonne annonce au croyant ».

Thérapie de l’âme : par Ibn Hazm al Andalusi

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